Pour l’indèpendance de l’OMS
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Qu’est-ce que la vigie ?
La vigie de la 214ème
semaine devant l’OMS



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Le 26 Avril 2007, date anniversaire de la catastrophe de la Tchernobyl, fut le premier jour de vigie du collectif “IndependentWHO” devant le siège de l’OMS à Genève.

Paul Roullaud, Thérèse Raitière et Wladimir Tchertkoff
Thérèse Raitière
Wladimir Tchertkoff
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Paul Roullaud avec Thérèse Raitière et Wladimir Tchertkoff devant l’OMS le 26 Avril 2007 Paul Roullaud, Thérèse Raitière et Wladimir Tchertkoff - le 26 Avril 2007

À 7H 30, le 26 avril, Wladimir, Thérèse et moi, nous descendons du bus devant l’entrée principale de l’OMS. Nous portons sur le buste les slogans qui accusent l’Organisation Mondiale de la Santé d’être complice du crime de non assistance aux populations touchées par Tchernobyl. Nous nous plantons devant l’entrée, silencieux, immobiles. Nous sommes filmés par un caméraman de la télé suisse de Lugano. Les employés qui arrivent sont manifestement très surpris. Vers 9H, un policier se pointe. Il nous dit que nous ne sommes pas autorisés à demeurer là, que nous sommes sur un terrain privé. Nous lui répondons que nous avons préalablement adressé une lettre à la direction et qu’aucun refus ne nous a été signifié. Le policier repart avec ces informations et va rejoindre le chef de la sécurité. Quelque temps après, ils reviennent ensemble. Le chef de la sécurité nous dit ne pas avoir reçu de lettre. “Nous vous en avons bien adressé une, voici la copie.” Palabres. “Je vous répète que vous n’avez pas d’autorisation, vous êtes sur un terrain privé, il faut vous en aller.” “Nous sommes silencieux et immobiles, nous ne posons aucun problème de sécurité, notre présence ne vous concerne pas, nous voulons avoir à faire à la direction.” Palabres et repalabres. “Si la direction ne peut nous recevoir, qu’elle nous fasse un courrier.” concluons-nous. Là dessus, le policier plutôt diplomate nous consent un délai jusqu’à 13h et il repart en compagnie du chef de la sécurité. Ce dernier emporte la copie de la lettre qu’il dit ne pas avoir reçue. Paul Roullaud, Thérèse Raitière et Wladimir Tchertkoff devant l’OMS le 26 Avril 2007

Pendant ces tractations, François Gillard, Rolande Coquard ainsi que 3 personnes venues de Grêce nous ont rejoint et portent à leur tour les pancartes. Wladimir, lui, doit nous quitter pour se rendre à la conférence de presse fixée à 11 heures. Nous nous disons que la direction de l’OMS ne doit pas avoir très envie de porter la responsabilité politique d’une évacuation musclée (devant caméras) de personnes qui l’accusent de complicité de crime mais nous n’ignorons pas pour autant ce que encourons. Tarif suisse : 24 heures de garde à vue et amende qui pourrait s’élever à 300 euros par personne. Pour réchauffer l’ambiance, deux fourgons grillagés de policiers font leur apparition. Ils passent au bout de nos chaussures, font un petit tour et finalement se garent à 150 mètres de là, à la limite du territoire de l’OMS. Dans l’instant, leur mission est de barrer la route à une quarantaine de manifestants rassemblés sur la place des Nations qui, à 12 h, doivent se mettre en marche vers l’OMS, bandeau sur la bouche, pancartes brandies. En ce jour anniversaire de l’accident de Tchernobyl, les militants de Contratom sont là aussi pour dénoncer l’accord OMS/AIEA. Fait marquant, c’est la première fois que la dite OMS utilise la force publique pour empêcher que la contestation pénètre sur son territoire. Une pareille mobilisation policière n’est habituellement réservée qu’à l’ambassade US. L’arrivée des fourgons de police nous “prépare” un peu mieux à l’idée d’une évacuation, passé le terme des 13 heures accordé par le policier. Nous nous disons qu’il est préférable d’internationaliser l’évènement s’il doit se produire et de réduire les “évacués” au nombre de 3. Ainsi convenons-nous de demander à Wladimir (italien) de revenir dès la fin de la conférence et à Thanassis (grec) de quitter les manifestants qui montent de la place des Nations afin de me rejoindre également. Je vois le cadran de l’horloge au travers des vitres de l’OMS afficher 12h45, je me dis qu’il n’y a plus qu’un quart d’heure et je me fabrique des images sur ce que pourra être mon logement des prochaines 24 heures. Les forces de police sont pour le moment occupées à barrer la route aux manifestants montés de la place des Nations. L’ambiance est tendue, ça discute ferme. Certaines personnes du groupe organisateur veulent maintenir le piquet devant la porte de l’OMS jusqu’à l’évacuation par la police. D’autres, par contre, pensent qu’à durcir ainsi l’action, il y a un risque de la faire tourner court et le but c’est justement de durer. Après d’âpres discussions, l’option de lever le pied est finalement prise, pas pour une déroute, juste un petit repli pour se placer à 50 mètres du bâtiment à la limite du territoire de l’OMS. Le chef de la police s’engage à donner un avis favorable à notre présence en ce lieu. André Larivière s’installe aussitôt en première vigie. C’est là que l’après-midi, je prends la suite en compagnie de Maurice Bécamiel jusqu’à 18 heures. Pour tous les autres, le programme consiste en une AG salle de la Castafiore. Nous les rejoignons vers 18h30 après une bonne marche qui nous dégourdit agréablement les jambes. Le lendemain 27, je reprends la vigie en compagnie de Thérèse. Nous l’interromprons à 13 heures car il nous manque l’autorisation de la mairie. Celle-ci nous sera accordée le mardi midi de la semaine suivante, semaine où vont, solitairement ou non, se succéder au carrefour des Morillons Wladimir, Thérèse, François, Rolande et moi. Le mercredi, je fais un comptage des voitures sur 5 minutes chaque heure et j’annonce à Wladimir qu’elles sont environ 7000 à passer par là chaque jour. Je coupe la poire en deux vu que pour la plupart, ce sont des employés qui prennent ou quittent leur travail. Ça fait minimum 3500 personnes qui vont voir nos pancartes, il y a déjà de quoi faire causer dans les chaumières. ....Oui, très majoritairement une personne par voiture et quelle voiture ! Carrefour des Morillons, c’est le bal des 4x4 aux vitres fumées, ambiance corbillard, ils vont à làOMS. Finalement ça s’accorde bien avec ce que nous affichons sur nos pancartes, me dis-je. Heureusement, on nous adresse de nombreux signes de sympathie, pouce levé, “bravo, continuez”. A chacun d’entr’eux, j’enfonce un petit bout de bois au bord du trottoir et je fais le compte le soir. Environ 10 par jour dont certains qui renouvellent (un chauffeur de bus). Nous sommes agréablement surpris d’être visités par des employés de l’OMS qui repartent avec de l’information. Deux d’entr’eux travaillent à l’entretien, nous les revoyons le lendemain revenir avec des cafés dont la chaleur me va droit au coeur. Ça compense les sentiments pas très flatteurs que je nourris à l’intention de tous ces personnages qui roulent 4X4 dont un qui est énorme. C’est sûrement le produit d’une grosse voiture qui s’est accouplée avec un char d’assaut. Il ne lui manque qu’une mitrailleuse. Je m’interroge sur son conducteur qui s’occupe de la santé du monde. Qu’est-ce qui le pousse à un délire pareil ? Il possède la plus grosse voiture, il a gagné. Je me dis qu’il serait amusant de trouver encore plus énorme afin de le remettre en compétition et je me vois m’amener par là avec une moissonneuse batteuse ! Je finis cette semaine de vigie avec l’intime conviction qu’il faut tenir autant qu’il faudra, à la longue notre action portera ses fruits.

Paul Roullaud
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Thérèse Raitière devant l’OMS le 26 Avril 2007 Thérèse Raitière - le 26 Avril 2007

Devant l’entrée principale de l’O.M.S. au matin du 26 Avril 2007, en ce jour anniversaire de l’accident de Tchernobyl, me voici quelque peu émue, dans mon rôle de vigie. Le moment est grave, ma pensée s’envole vers les territoires contaminés, en moi un mélange de colère, de fragilité et beaucoup de détermination à sièger ici : Ma colère vis à vis de l’O.M.S : 500.000 enfants au Bélarus, malades, souffrants. Sans parler des liquidateurs, tous abandonnés à leur sort, par cette organisation. Ma fragilité devant cet immense bâtiment de l’O.M.S. Comment toucher ces décideurs ? (le sont-ils encore !) Ces protecteurs de la santé humaine (normalement), qui minimisent voire nient les faits. Mais en moi surtout une grande détermination, côute que côute dire la réalité des enfants malades. (cf le livre de Wladimir Tchertkoff, "Le Crime de Tchernobyl", valeur sûre dans mon sac à dos ). Être un maillon de cette chaîne de vigies, naissante; résister, informer jour après jour et qui sait ?... En tous cas, je porte ici humblement la voix des ENFANTS et de ce peuple oublié de Tchernobyl.
Thérèse Raitière Haut de page

Wladimir Tchertkoff devant l’OMS le 26 Avril 2007 Wladimir Tchertkoff - le 26 Avril 2007

Genève le 26 avril 2007.      QUI A PEUR DES ENFANTS DE TCHERNOBYL ?

Nous avons écrit à Madame Margaret Chan, Directrice générale de l’OMS, récemment nommée à ce poste de haute responsabilité. Nous lui avons demandé de nous soutenir dans notre requête d’amender l’accord OMS/AIEA, afin que l’OMS s’affranchisse de l’assujettissement à l’agence promotrice de l’atome et prenne les mesures nécessaires pour venir en aide aux enfants contaminés depuis 21 ans par les radioéléments expulsés de la centrale de Tchernobyl en feu. Pour toute réponse Madame Chan a appelé la police.

À titre de prologue de cette reconstruction des événements du 26 avril de Genève, voici le résumé des réflexions échangées entre les organisateurs de cette action :

Nous tablons sur la bonne foi scientifique des travailleurs de l’Organisation Mondiale de la Santé, qui, en tant qu’organisation mondiale, est notre organisation. Nous proposons à son personnel une conférence d’information sur un argument controversé, qui met en question la crédibilité de l’organisme où ils travaillent. Il faut que ces personnes sachent, et que l’opinion publique sache, que nous prenons leur travail au sérieux et ne doutons pas un instant de leur honnêteté intellectuelle. Nous avons décidé d’assiéger pacifiquement, - sur le plan moral, scientifique, déontologique - la direction de cet organisme, qui appartient à tous. L’OMS n’est la propriété privée de personne, quoi qu’en disent le service de sécurité et la police, qui, sur ordre de la direction, - elle s’est déchargée sur eux de sa responsabilité politique de réponse, - nous ont chassés de son territoire en nous obligeant à rétrocéder hors des remparts (juridiques) du bastion. L’intéressant dialogue filmé que nous avons eu avec ces deux fonctionnaires, qui nous ont respectés et se sont acquittés avec un professionnalisme exemplaire d’une tâche ingrate, est éclairant.

07h 30. PREMIER ÉPISODE – LES VIGIES PRENNENT POSITION
Le 26 avril, à 7H30, quatre personnes, Thérèse Raitière, Paul Roullaud, Wladimir Tchertkoff et Emanuela Andreoli munie d’une caméra, sont descendus à l’arrêt terminus du bus N° devant l’entrée principale de l’OMS à Genève. Les trois premiers portaient sur le buste les slogans qui accusaient l’Organisation Mondiale de la Santé d’être complice d’un crime. Ils se plantaient (se sont plantés) avec leurs pancartes, silencieux, immobiles, devant l’entrée du bâtiment. Quelques minutes plus tard, ils étaient rejoints par un caméraman de la télévision suisse de Lugano (TSI) et par Romano Cavazzoni, caméraman qui a filmé entre 1990 et 2002 cinq documentaires sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl (réalisation Tchertkoff – Andreoli). Les trois vigies étaient filmées par les trois caméras. Les employés qui arrivaient étaient manifestement surpris, certains, en particulier ceux des pays africains et asiatiques, s’arrêtaient et photographiaient. Peu de temps après, le groupe était rejoint par Rolande Coquarde et François Gillard, celui-ci cherchant à établir des contacts avec le personnel qui descendait du bus. Trois employés de la sécurité se sont approchés alors du groupe en priant de ne plus filmer le personnel. Vers 9H, un policier se pointe.

09h 00. DEUXIÈME ÉPISODE – LE POLICIER
Le Policier : Bonjour, je suis le capitaine Pasquier.
Wladimir : Je suis Wladimir Tchertkoff.
Pasquier : C’est vous peut-être qui êtes venus hier à la police ?
Wladimir : Oui
Pasquier : Donc vous savez que c’est un lieu privé.
Wladimir : Nous avons écrit à ce sujet à la direction de l’OMS. C’est avec la direction que nous souhaitons avoir un rapport.
Pasquier : Bon, si je suis là c’est que la direction a téléphoné pour dire …
Wladimir : Pour dire ?
Pasquier : que vous étiez là… et puis que c’est un lieu privé.
Wladimir : …
Pasquier : Vous avez eu une discussion à la police hier … ?
Wladimir : C’était au sujet de la procession à partir de la Place des Nations…
Pasquier : Votre manifestation doit s’arrêter.
Wladimir : Vous parlez de la manifestation de la place des Nations. Ici c’est autre chose.
Pasquier : Alors ça, on va aller voir. Si je suis ici c’est parce qu’on m’a appelé…

Le téléphone du capitaine sonne, il répond brièvement et va rejoindre le chef de la sécurité dans le bâtiment.

LA VEILLE DANS LES BUREAUX DE LA POLICE…
La veille, les trois vigies, accompagnées d’Anne-Cécile Reimann de ContrAtom ont dû soutenir une discussion franche, parfois tendue, avec deux fonctionnaires de la Police de Genève, Mr Couturier, responsable pour la délivrance des autorisations, et un autre dont nous n’avons pas le nom, qui les avaient convoqués dans leurs bureaux. Précédemment, une lettre avait été envoyée à la police exposant l’intention d’effectuer sur la grande Place des Nations, devant le Palais des Nations Unies, un rassemblement dans la matinée du 26 avril, 21-e anniversaire de l’explosion de la centrale de Tchernobyl. Dans la demande d’autorisation d’utiliser les espaces et les voies publiques qui relèvent de la compétence de la police, il était précisé qu’après une conférence de presse, les manifestants se déplaceraient avec des banderoles et 21 flambeaux allumés (symbolisant la lumière à faire sur les 21 ans d’obscurité sur les conséquences de Tchernobyl) en direction de l’Organisation Mondiale de la Santé (à 2 km environ), où un bref discours serait prononcé, puis le rassemblement se serait dispersé. Au cours de la discussion, les policiers ont opposé une série d’empêchements et d’interdictions aux représentants des ONG, bloquant pratiquement toutes les étapes du projet, et allant même au-delà de leur compétence spécifique limitée aux espaces publics de la ville :
-->> pas question de se rassembler sur la Place des Nations le 26 avril, en raison des travaux en cours, qui “se termineraient le 27” (sic !). Nous avons fait un repérage des lieux la veille de cette rencontre : il n’y avait aucun chantier, des touristes se promenaient autour des nombreuses fontaines qui giclaient allègement du sol en granit de l’esplanade;
-->> pas question d’utiliser des flambeaux, à cause de l’interdiction d’allumer des feux à l’air libre, tombée justement dès le 25 avril;
-->>pas question d’aller en procession jusqu’à l’OMS, car le trottoir “est trop étroit” (sic). Nous avons mis sous les yeux des policiers les photos publiées dans Trait d’union n° 22 de 2002 de la CRIIRAD, qui montraient 300 manifestants effectuant la même procession sur le même parcours en faveur du Professeur Bandajevsky alors emprisonné. Les policiers ont répondu qu’ils ne connaissaient pas cette manifestation et qu’il ne fallait pas jouer sur les mots (re-sic);
enfin, le vrai problème :
-->>pas question d’entrer sur le territoire de l’OMS, qui est propriétaire du bail et qui se trouve donc sur un lieu privé. Nous avons objecté que par définition la police n’avait pas compétence en la matière puisque le lieu n’était pas public et que nous souhaitions avoir une réponse directe de l’OMS elle-même.

À la fin on nous a autorisé de faire la procession en file indienne sur le “trottoir étroit”, jusqu’à la limite du lieu “privé” de cette Organisation dénommée “mondiale”, en nous enjoignant de rebrousser chemin aussitôt sans nous arrêter. Nous avons laissé aux policiers les photos où l’on voyait les 300 manifestants de 2002 rassemblés devant l’entrée principale du bâtiment sur le lieu même où les trois vigies avaient décidé de se tenir en silence. Ce lieu privé n’étant pas enclos, quiconque pouvait y pénétrer sans effraction de domicile. L’effraction aurait eu lieu si, à la demande du propriétaire du bail, les visiteurs refusaient de s’en aller. C’était donc d’abord à la direction de l’OMS et non à la police de nous dire de nous en aller. La police n’était pas compétente.


MAIS LE SERVICE SÉCURITÉ N’EST PAS COMPÉTENT NON PLUS…
Le projet initial des ONG promotrices était de commencer l’action le 6 novembre 2006, mais la mort subite du directeur général de l’OMS, M.Lee, et la nomination du nouveau directeur, qui devait avoir lieu précisément le 6 novembre, était un motif suffisant pour renoncer. Toutefois au cours d’un colloque avec le chef du service de Sécurité de l’OMS, M. Yann Stephan, au cours duquel il nous a suggéré de reporter l’action au printemps, un point important était acquis : ce fonctionnaire, dont l’avis préalable était nécessaire, ne voyait aucune objection du point de vue de la sécurité. Il aurait transmis un avis favorable aux étages supérieurs, nous avertissant cependant que c’était la direction de l’OMS qui en dernière instance décidait de nous autoriser à rester sur le terre-plein devant l’entrée ou pas. L’acceptation ou le refus auraient donc une signification essentiellement politique, aucun autre motif ne subsistant. En effet dans la lettre que nous avons adressée à M. Stephan le 10 avril, lui annonçant le début de l’action pour le 26, nous avons réitéré que :
… l’action, qui concerne l’accord de 1959 entre l’AIEA et l’OMS, sera incarnée par la simple présence d’une à trois personnes au maximum, appuyées par un groupe à proximité, sans table, sans tente et sans mégaphone. Cette présence se fera de manière non-violente, dans le respect du lieu, des employés et des visiteurs de l’OMS. La durée de cette action se trouvera déterminée par l’écoute qui sera accordée à notre requête. Elle sera assurée par des personnes bénévoles, de 8 heures du matin à 18 heures, face au bâtiment principal, sur le terre-plein central situé entre les 2 routes permettant aux véhicules d’accèder et de repartir de l’OMS. Nous avons choisi comme emplacement le terre-plein central afin d’être certains de ne causer ni gêne ni danger pour la circulation. […] N’ayant d’autre volonté que d’utiliser notre droit d’expression, nous n’imaginons pas qu’une institution internationale telle que l’OMS puisse refuser notre présence devant ses murs. Dans l’attente d’une réponse favorable de votre part, veuillez recevoir nos sincères salutations.

C’était donc à la Direction de se prononcer. Mais nous n’avons eu de réponse ni de M. Stephan, dont nous ignorions qu’entre-temps il avait été licencié, ni de Madame Chan, qui était toujours à son poste. Pour nous, “qui ne dit mot consent”. Nous étions de toute manière déterminés et le matin du 26 avril nous étions là.


09h 15. TROISIÈME ÉPISODE – LE NOUVEAU CHEF DE LA SÉCURITÉ N’A PAS REÇU NOTRE LETTRE
Quelques minutes après son départ, le capitaine Pasquier revient avec un fonctionnaire d’origine africaine.
Pasquier : Voilà. Donc vous avez là un monsieur qui est responsable de la sécurité.
Sécurité : Arrêtez de filmer s’il vous plaît.
Wladimir : Vous parlez français ?
Sécurité : Oui, je parle français.
Wladimir : Est-ce que monsieur Stephan est là?
Pasquier : Vous pouvez éteindre s’il vous plait ?
Sécurité : On va discuter tranquillement… S’il vous plaît.
Wladimir (au caméraman) Tu peux me filmer, mais pas ces messieurs.
Pasquier : Donc, comme je vous ai dit, ce monsieur est un responsable de la sécurité. La manifestation sur la voie publique c’est une chose, ici vous êtes sur un lieu privé et lui, il va vous confirmer qu’il n’y a aucun accord avec l’OMS pour que vous vous trouviez ici à faire votre manifestation.
Wladimir (à l’Africain) – Vous êtes au courant de notre correspondance avec Madame Chan et avec Monsieur Stephan ?
Sécurité : Eh, Monsieur Stephan malheureusement n’est plus avec nous.
Wladimir : Ah, il ne travaille plus à l’OMS ?
Sécurité : Non. On a… nous avons ici une lettre… une autorisation des services des manifestations de Genève. Nous les avons contactés hier, et ils nous ont envoyé la demande que vous avez adressée là-bas et l’autorisation qui vous a été accordée.
Wladimir : C’était au sujet de la manifestation sur la place des Nations, que nous souhaitons faire arriver jusqu’ici. Mais, elle n’est même pas encore commencée.
Sécurité : Vous a-t-on demandé, oui ou non, de ne pas venir ici ?
Wladimir : Non. Nous ne sommes pas la manifestation. C’est autre chose. Nous resterons ici jusqu’à l’Assemblée mondiale de la Santé de 2008, toute l’année. Nous l’avons écrit à Madame Chan…Une, maximum trois personnes seront présentes ici en permanence. En ce moment nous représentons une vingtaine de ONG internationales, - leur nombre augmente, - qui demandent que l’accord OMS-AIEA soit amendé. Êtes-vous au courant ?
Sécurité : Oui, oui, ça ce n’est pas un problème. Mon problème c’est que, comme vous savez, toute manifestation doit avoir une autorisation, n’est-ce pas ?
Pasquier : Là vous êtes sur un terrain privé.
Sécurité : Sur un terrain privé.
Pasquier : Si vous n’avez pas…
Sécurité : Si vous n’avez pas une autorisation…
Wladimir : D’accord. Alors, je vais vous informer jusqu’au bout. La situation que nous avions jusqu’à maintenant était la suivante : Monsieur Stephan, que nous avons contacté à l’époque, - il avait votre fonction si je comprends, n’est-ce pas ? - a dit que de son point de vue il n’y avait pas de problèmes, que ce n’était pas une question de sécurité…
Sécurité : Il vous a écrit ça ? Est-ce qu’il vous a écrit en vous autorisant…
Wladimir : Non, il ne nous a pas écrit. Nous croyons à la parole de la personne responsable de la sécurité, comme vous l’êtes en ce moment, n’est-ce pas ? Nous lui avons envoyé l’information à l’époque. Il a précisé que le fait de donner son avis favorable ne signifiait pas que nous pourrions rester ici, parce que c’est la direction qui décide en dernier ressort. Donc, si je comprends bien, c’est la direction qui demande maintenant que nous ne soyons pas là. Cela devient donc un problème politique, dont nous parlerons maintenant à la conférence de presse, qui aura lieu dans une heure à l’intérieur de l’ONU sur la catastrophe sanitaire qui sévit en ce moment à Tchernobyl. Nous dirons que, sans aucune justification du point de vue de la sécurité, mais selon son droit de propriétaire du bail, la direction de l’OMS refuse d’avoir un rapport avec la sociétéé civile. Nous demandons un dialogue, - nous avons écrit une longue lettre circonstanciée à Madame Chan, - nous ferons savoir que l’OMS refuse le contact, le rapport pacifique avec nous, qui représentons les victimes de Tchernobyl, - des millions de paysans mangent depuis 20 ans des aliments contaminés sans que l’OMS s’intéresse à ce problème, elle ne fait aucune recherche, - et nous représentons aussi les ONG des cinq continents qui se joignent à nous scandalisées par cet accord entre l’OMS et l’AIEA, qui empêche votre organisation de faire son travail. Votre refus sera rendu public. Vous pouvez le dire à la direction. Il fallait que je vous informe sur notre détermination.
Sécurité : Je comprends et je respecte, je salue votre détermination.
Wladimir : Je vous remercie.
Sécurité : C’est tout à fait logique, tout à fait normal. Chacun a le droit à un certain nombre de choses. Mais je pense que vous n’allez pas nous… nous retirer aussi notre droit de propriété.
Wladimir : Nous avons eu un dialogue avec votre prédécesseur, avec la même personne que vous-même dans sa fonction de responsable de la sécurité. Comme je vous ai dit les paroles pour nous ça compte. Il y avait cet accord : “du point de vue de la sécurité pas de problême”. La direction peut demander, - c’est elle la propriétaire, ce n’est pas la sécurité qui est propriétaire…
Sécurité : C’est l’OMS.
Wladimir : L’OMS c’est la direction. Il y a une directrice générale. Pour nous c’est elle l’interlocuteur.
Pasquier : Mais vous avez un accord écrit de la direction de l’OMS, qui vous permet d’être ici ?
Wladimir : Non, je l’attends, nous voulons qu’elle nous le dise… Vous comprenez très bien ce que je dis. Nous sommes tous intelligents : c’est une décision politique.
Sécurité : Mais alors, est-ce que vous pouvez, s’il vous plaît, attendre une rép… puisque vous avez écrit, attendre une réponse ?
Wladimir : Bah, ça peut être fait dans les dix minutes.
Sécurité : C’est sûr que vous n’avez pas fait votre lettre en dix minutes.
Wladimir : Non, mais là il suffit de trois lignes : “vous êtes priés de vous en aller” … point à la ligne. Vous dites “nous sommes dans notre droit”, c’est vrai, vous êtes dans votre droit. En tant que propriétaire c’est la direction générale qui doit nous répondre. Sinon nous disons que la direction générale ne veut même pas se compromettre. Elle vous utilise… Nous demandons que l’amendement du fameux accord soit mis à l’ordre du jour de l’assemblée mondiale de la Santé. S’ils le font, nous nous en allons. Sinon, - nous sommes en train de recueillir des signatures dans le monde entier, - nous attendrons ici le mois de mai de l’année prochaine. C’est ce que nous avons dit, c’est ce que nous sommes déterminés de faire. Ce n’est pas seulement de nous qu’il s’agit. Nous représentons les malades de là-bas et nous représentons les ONG internationales qui nous soutiennent. Il s’agit d’un rapport entre la société civile mondiale et l’Organisation Mondiale de la Santé. C’est la santé humaine qui nous intéresse. Voilà. Notre détermination est radicale. Il n’y a rien à faire.
Sécurité : Franchement, on vous comprend, on vous respecte. Tout ce qu’on vous demande c’est que si vous entrez dans ma propriété privée…
Paul : La comparaison entre la propriété privée d’une famille et une organisation qui est chargée au niveau mondial de veiller à la santé des populations, ce n’est pas la même chose. Cette comparaison ne tient pas.
Pasquier : Alors, c’est très simple : la sécurité… la, l’OMS représentée par le monsieur qui est responsable de la sécurité, ne désire pas que vous restiez. Donc, nous police, nous vous demandons gentiment de quitter le lieu.
Wladimir : Et nous, on fait résistance passive… (SILENCE, SOURIRES) Parce que nous prétendons que nous ne constituons aucun problème du point de vu de la sécurité.
Pasquier : Je pense qu’ils en sont conscients.
Wladimir : Oui, je suppose aussi.
Pasquier : Mais par contre il y a la notion de propriété privée.
Wladimir : Oui, nous la respecterons, quand elle nous sera formulée par celui qui en est titulaire.
Paul : Et qui en plus est au service des populations du monde…
Wladimir : Oui, le nucléaire aujourd’hui, les bombes à l’uranium appauvri, le fameux syndrome du désert, tout ça… tout le monde comprend…
Pasquier : Vous savez, moi je suis policier, lui il est responsable de la sécurité… On est tous des hommes, on est tous conscients…qu’il y a pollution, qu’il y a des dangers. On est tous conscients de cela… et on a tous un rôle à jouer. Lui, il a certainement aussi, je dirais, un penchant pour tout ce qui est humanitaire, comme moi, comme vous…
Wladimir : C’est évident.
Pasquier : Par contre on a tous des missions… lui il a un rôle et vous…vous en avez un autre. Mais il y a aussi le respect des gens. Je trouve qu’il y a un certain respect à avoir pour la direction, qui a discuté avec nous du fait que vous êtes sur un terrain privé. Vous savez très bien que si on était dans d’autres pays la discussion serait peut-être beaucoup plus difficile.
Wladimir : Je sais, sur la Place Rouge ce n’était pas ainsi. Il n’y avait pas de discussion, on finissait au goulag. Nous avons de la chance… Écoutez, ça ne peut pas se résoudre au niveau de la police. C’est un problème trop grave.
Thérèse : Monsieur, comment nous faire entendre, puisqu’il y a déjà eu des demandes qu’on a faites à l’OMS en 2000, en 2001 ? Je parle en tant que citoyenne. Comment trouver les moyens ? Vous voyez, il y a 500.000 enfants au Bélarus qui meurent et ont des maladies graves. Comment trouver les moyens ?
Pasquier : J’en suis tout à fait conscient, mais on parle de votre présence ici…
Paul : La présence, elle peut déranger… Mais vous le savez bien, les faits ont souvent précédé la loi. Les premières gens qui ont demandé la démocratie, ils étaient dans l’illégalité.
Sécurité : Vous auriez peut-ètre dû mettre dans votre demande que vous viendriez ici et peut-être en ce moment ils vous auraient contacté…
Wladimir : Mais nous l’avons demandé !…
Sécurité : Non. La lettre que nous avons, non. La lettre que nous avons reçue, parle de manifestation à partir de la Place des Nations…
               -- -- Thérèse tend au fonctionnaire la lettre que nous avons envoyée le 10 avril à M. Stephan. -- --
Thérèse : Regardez cette lettre. Elle a été envoyée par le collectif à Monsieur Stephan.
               -- -- Embarras. En silence, le nouveau chef de la sécurité regarde, perplexe, la lettre qui a été envoyée à son service il y a 15 jours. -- --
Wladimir : Vous l’avez reçue cette lettre.
Sécurité : Celle-là je ne l’ai pas reçue. Je n’ai pas reçu cette lettre-là.
Wladimir : Comment non ! Regardez la date…
Sécurité : Je vous dis que moi je ne l’ai pas reçue.
Wladimir : Ça veut dire que ça ne fonctionne pas chez vous.
Sécurité : Non, attendez, chez nous il n’y a pas de problèmes.
Wladimir : Vérifiez, vous avez reçu cette lettre. On se réfère ici à l’entretien qui a eu lieu avec M. Stephan. On l’informe que, comme il nous l’a demandé, ce n’est plus en novembre mais c’est maintenant en avril, que nous commençons ce dont nous avons parlé. Et que donc du point de vu de la sécurité il transmettrait son accord et que la direction déciderait si nous pouvons être là ou pas. C’est tout. C’est très clair là-dedans.
               -- -- Le capitaine Pasquier distrait par l’excitation générale essaie de se concentrer sur la lettre. -- --
Pasquier : Bon, moi je lis cette lettre. Ça ne me regarde pas directement, mais il n’y a rien de précis là dans cette lettre. Ça ne dit pas que vous demandez d’être ici…Où vous trouvez que… ?
Wladimir : (reprend la lettre) Comment où : Cette présence se fera de manière non violente dans le respect du lieu, des employés… Elle sera assumée par des personnes bénévoles de 8 heures du matin à 18 heures du soir face au bâtiment principal sur le terre-plein central situé entre les deux routes, permettant aux véhicules d’accéder et de repartir de l’OMS. Ce sont ces deux routes là. Tout est écrit dans cette lettre.
               -- -- Wladimir indique les tracés parallèles de la route du bus, qui parcourt toute la longueur du bâtiment, fait une boucle autour du terre-plein sur lequel se déroule la conversation et s’arrête au terminus dans le dos des 3 vigies tournées vers le bâtiment. -- --
Thérèse : Tenez, ça c’est la lettre à Madame Chan, que nous avons envoyée.
Sécurité : Oui, celle-là je l’ai… Ce que je vous dis c’est que, puisque vous avez écrit, vous devez attendre la réponse avant de faire la manifestation.
Thérèse : Nous attendons…
Pasquier : De toute façon … il est vrai que ce serait bien que vous ayez une réponse.
Paul : Oui, c’est notre désir de recevoir une réponse.
               -- -- Le capitaine Pasquier et le fonctionnaire de la sécurité rentrent dans le bâtiment. W.Tchertkoff part pour la conférence de presse organisée dans une salle du palais des Nations Unies. -- --


DE 10 À 11 HEURES CONFÉRENCE DE PRESSE DANS UNE SALLE DU PALAIS DE L’ONU
Les intervenants sont présentés par Philippe de Rougemont responsable des médias pour le collectif “OMS indépendante” et organisateur de la conférence à l’ONU. Il expose les enjeux de l’action de longue durée initiée le 26 avril 2007, jour du 21e anniversaire de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl : obtenir l’amendement de l’accord de 1959, qui soumet l’OMS à l’autorité de l’AIEA et démasquer le rôle scandaleux de cette organisation après l’accident de Tchernobyl : en acceptant des chiffres fallacieux, l’OMS cautionne le maintien de millions de personnes dans des régions hautement contaminées, sans suivi sanitaire. La rencontre avec les journalistes commence par la projection d’un extrait du film “Controverses nucléaires“, diffusé par les télévisions suisses du Tessin et de la Suisse alémanique et du Canada, où l’on voit M. Hiroshi Nakajima, ancien directeur général de l’OMS, déclarer que la conférence organisée par lui à Genève en 1995 sur les conséquences médicales de Tchernobyl a été censurée par l’AIEA.
Gino Nibbio lors de la conférence de Presse du 26 avril 2007 à l’ONU Gino Nibbio de ContrAtom reconstruit les étapes précédentes de l’action de l’ONG suisse pour obtenir l’amendement de l’Accord de 1959.
Wladimir Tchertkoff lors de la conférence de Presse du 26 avril 2007 à l’ONU Wladimir Tchertkoff, réalisateur du film et auteur de “Crime de Tchernobyl, le Goulag nucléaire” (Actes Sud, 2006), décrit la stratégie de l’ignorance des agences de l’ONU, qui par un subterfuge pseudo scientifique occultent la véritable dimension de la catastrophe et les conséquences sanitaires effarantes en regard des chiffres ridicules qu’elles publient. Il raconte aussi les blocages et embûches subis par les scientifiques biélorusses de la part “d’experts” occidentaux, lorsqu’ils étudient les conséquences de l’accident ou lorsqu’ils aident les populations à se protéger et à se soigner.
Roland Desbordes lors de la conférence de Presse du 26 avril 2007 à l’ONU Roland Desbordes, Président la CRIIRAD, informe sur le projet de laboratoire de recherche indépendant que la CRIIRAD souhaite organiser avec des scientifiques en Biélorussie, ainsi que sur les dossiers où l’AIEA a pris la place revenant à l’OMS ou à d’autres agences de l’ONU comme le PNUE : rapport sur la situation à Mururoa après les essais nucléaires de 1995, l’Uranium Appauvri au Kosovo, Irak et Afghanistan. M. Luc Recordon, avocat, physicien et parlementaire fédéral s’exprime sur l’aspect légal de la campagne et le déroulement d’événements menant à la modification ou à l’abrogation de l’accord de 1959 entre l’AIEA et l’OMS.
Parmi les journalistes présents, peu nombreux à cause semble-t-il de la présence à Genève du Président Palestinien Mahmoud Abbas, on peut citer les correspondants de The Nation (USA), Radio Pacifica (USA), RTBF (Belgique) venu exprès de Bruxelles, une correspondante d’une agence Moldave, RTSI (TV du Tessin), Le Courrier (Suisse) et pour la Suisse romande une journaliste du Matin Bleu, journal gratuit que tout le monde lit. Le journaliste de la radio belge a cherché en vain, à plusieurs reprises, d’obtenir téléphoniquement une réaction de l’OMS, qui niait obstinément qu’il y eût une manifestation devant ses portes. “Mais, ils sont là, je vous assure. Je me trouve parmi eux… ”.


11h 00 RASSEMBLEMENT Â LA PLACE DES NATIONS
Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’ONU Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’ONU Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’ONU Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’ONU Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’ONU
Une joyeuse compagnie d’une quarantaine de manifestants, avec des pancartes jaunes et des slogans dénonçant le scandale de l’Accord OMS/AIEA, “On nous Ment Sûrement” etc., se réunissent à proximité de la grande “Chaise” en face de l’entrée principale de l’ONU. Aucune trace des travaux qui, selon les policiers de la veille, justifiaient l’interdiction de nous y réunir. Ils devaient se terminer le 27 avril ! Une moquerie sans doute, dont les manifestants n’ont pas tenu compte. Différents slogans sont scandés.


À 11h 30, départ en procession vers l’OMS sur la colline (une demi-heure de marche), pour y rejoindre les vigies, sans flambeaux, que les marcheurs ont remplacé par des bandeaux sur la bouche pour signifier la censure dont nous étions victimes : la police nous a interdit de manifester devant l’OMS, contrairement à la libéralité respectueuse de ce droit, de 2002. Pendant ce temps, là-haut, devant le bâtiment…
Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’ONU Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’ONU Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’ONU Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’ONU Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’ONU



11h 40. QUATRIÈME ÉPISODE DEVANT LE BÂTIMENT DE L’OMS
Le capitaine Pasquier et le Chef de la sécurité reviennent vers les vigies.
Pasquier : Alors voilà la situation. Ils ont contrôlé. Effectivement il n’y a pas de lettre de réponse préparée pour vous. Raison pour laquelle le responsable de la sécurité… - la direction, pas monsieur mais son patron, la direction donc - vous fait savoir que, puisqu’il n’y avait pas de lettre, - je pense qu’elle s’est égarée dans les méandres des procédures, - ils vous laissent jusqu’à la fin de la manifestation. Vous pouvez rester ici, aujourd’hui, jusqu’à la fin de la manifestation, c’est-à-dire jusqu’à 13 heures. D’ici là, ils vous remettront une lettre en réponse à celle que vous leur avez écrite. Je ne connais pas la totalité du contenu, mais en substance ils ne désirent pas que vous reveniez ici faire votre manifestation. Donc voilà. Ils vous remettront une copie à vous ici, avant 13 heures, et ils enverront l’original à l’adresse de la personne responsable. Ils tolèrent que vous restiez jusqu’à la fin de la manifestation, parce que vous n’avez pas reçu de réponse officielle. Voilà. Alors, pour nous police, eh bien pour le moment on arrête là. Par contre j’aimerais avoir vos identités.
               -- -- Moment de crise et d’inquiétude, pendant que Pasquier prend note des documents, Paul réfléchit, que faire ? Les vigies sont seules devant ce refus formel. Il faut consulter les autres. -- --
Pasquier : (met le point final à la discussion, sur un ton interrogatif) Voilà… Alors je compte sur ça ? ...
               -- -- Pause silence -- --
Thérèse : Nous avons entendu. Jusqu’à treize heures on est d’accord. Après on verra… on n’est pas seuls…
Sécurité : Non mais après vous recevrez une réponse par rapport à la requête que vous avez déposée à l’OMS.
Paul : Oui, ceci dit … notre conscience nous demande aussi d’accomplir une mission.
Thérèse : Chacun a des responsabilités.
Sécurité : Bien sûr, bien sûr on en est conscient. Merci, au revoir.

Pasquier et le fonctionnaire de la sécurité serrent les mains de tout le monde et s’en vont.
 l’improviste, une nouveauté ébahit le personnel de l’Organisation Mondiale de la Santé (nous l’avons su plus tard). On n’a jamais vu rien de semblable à l’OMS : deux “paniers à salade” pleins de policiers en tenue légère anti-émeute se pointent au bout de l’esplanade qu’ils parcourent démonstrativement en longeant le bâtiment. Ils passent devant le petit groupe des vigies jusqu’au bout de l’immeuble, contournent le terre-plein situé entre les deux chaussées, le parcourent sur toute la longueur en sens inverse et se placent finalement à l’entrée de l’espace privé de l’OMS par où ils sont arrivés. C’est de là que les manifestants de la Place des Nations devraient entrer sur l’esplanade. Les deux camionnettes auraient pu éviter de faire le grand tour démonstratif, en utilisant le rond point giratoire qui se trouve à l’entrée du territoire.
Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’OMS Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’OMS Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’OMS Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’OMS Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’OMS

Paul Roullaud nous appelle pendant notre marche sur un portable pour communiquer la nouvelle et se consulter sur la décision à prendre. Ne pas céder ? Opposer une résistance passive ? Se faire embarquer ? Dans cette hypothèse il suggère que “l’embarquement” soit international : des amis grecs venus de Rhodes sont avec nous, André Larivière est canadien, Tchertkoff est italien d’origine russe. Il faut rejoindre les vigies, nous regrouper sur le terre-plein et attendre la police de pied ferme. Facile à dire, moins facile à faire. Quand les “quarante” arrivent finalement en vue de la limite du territoire de l’OMS, à 300 mètres environ des vigies que le tournant en direction de l’esplanade et une haie cachent encore aux regards des arrivants, une rangée de policiers barre la route. Dans l’attente de la lettre qui devait nous être remise avant 13 heures, au cours d’une rapide et chaude discussion à respectueuse distance du contact rapproché avec la police, entourée par les agents de la sécurité de l’OMS et en présence du capitaine Pasquier, les manifestants écartent la solution conflictuelle. L’action est programmée pour la longue durée. Si nous avions les moyens financiers suffisants et qu’un groupe d’irréductibles s’y engageait pour toute la durée de l’action, nous aurions peut-être pu récidiver tous les matins en pénétrant avec le bus Nº 8 jusqu’à l’entrée principale de l’OMS, nous faire embarquer et accumuler les amendes pour effraction de domicile et résistance passive aux forces de l’ordre pendant l’année. Cela aurait certainement conféré à l’action un éclat médiatique majeur. Mais à part le fait que face au lobby atomique richissime nous sommes fauchés, certains ont observé avec juste raison, que cela aurait dénaturé l’action, qui perdrait son caractère pacifique et non violent et réduirait la participation à un petit groupe d’irréductibles dans un conflit juridique local, alors qu’elle devait rester ouverte à tous les citoyens du monde sur la question gravissime de la santé.

Le capitaine Pasquier, dont le comportement, compréhensif mais ferme, était empreint de patience et de réalisme, nous a offert la solution pour laquelle il était prêt à donner son avis favorable au Département des institutions du Canton de Genève. (Plusieurs fois pendant la matinée, connaissant nos droits il nous a répété aux moments de tension “je veux que tout se passe bien”.) Sa solution impliquait évidemment pour nous de renoncer au face-à-face avec la façade principale de l’OMS. Nous nous y trouvions à proximité immédiate des employés, qui, en descendant du bus et en émergeant des parkings souterrains sur le terre-plein, passaient à nos côtés pour se diriger vers l’entrée. Pasquier nous a proposé l’emplacement 300 mètres plus bas, hors du territoire interdit, sous les arbres sur le trottoir d’angle à proximité immédiate de la limite de la propriété, là où la rue Appia, avant de continuer comme route privée vers le rond-point giratoire et l’esplanade de l’OMS, bifurque vers la gauche en devenant route des Morillons. De ce trottoir, on voit le flanc ouest du grand parallélépipède rectangle du bâtiment mais pas la façade, et nous ne sommes pas vus des fenêtres. Cette solution nous a semblé une défaite : nous perdions le contact avec le personnel. En réalité cette impression était une erreur, cet emplacement s’est avéré en fait un point stratégique, le meilleur endroit pour notre action. En effet, sur le terre-plein, à la vue des fenêtres de tous les étages, très peu d’employés s’arrêtaient pour nous interroger. Par contre, à l’angle de la rue Appia / route des Morillons ils sont libres, certains viennent à pied nous poser des questions, prendre de la documentation écrite, on nous photographie, quelqu’un apporte du café et à manger. À certaines heures, la circulation automobile est intense avec beaucoup de voitures des ambassades. En lisant les slogans ”Crime de Tchernobyl”, “OMS complice”, “OMS, 21 ans de silence et de mensonges”, “Amender l’accord entre l’OMS et l’AIEA”, - certains occupants des voitures, qui s’arrêtent au carrefour pour laisser passer celles qui ont la priorité, nous font des signes d’encouragement et d’adhésion le pouce levé. Les conducteurs d’autobus également. Une brèche humaine s’ouvre à notre surprise dans une bureaucratie et un fonctionnement totalement étanches à la tragédie des territoires contaminés de Tchernobyl.
Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’OMS Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’OMS Rassemblement le 26 avril 2007 devant l’OMS
Pour les vigies, c’est une expérience paradoxale : apparemment sans rien faire ils se réapproprient de l’action au sens plein du terme.

Dans un livre en préparation de Guy Demenge de ContrAtom (qui reprend les analyses de l’ouvrage du philosophe allemand Günther Anders - La menace nucléaire, Ed Le Serpent à plumes) il est question du “devoir d’irresponsabilité” : Malgré tous les beaux discours qu’on tient sur la démocratie […] l’action a déjà été abolie en tant que telle.[…] Ce qui vaut pour ceux qui travaillent dans les usines où l’on fabrique des machines vaut, à quelques exceptions près, pour tous nos contemporains. […] Pour la bonne marche de la société scientifiquement organisée, “la responsabilité” doit nous être totalement interdite. […] Le totalitarisme (et pas moins le totalitarisme secret du monde prétendu “libre”) nous étreint comme avec une paire de tenailles. Il cherche à réduire et à “limiter” l’homme à l’exploitation de ce qui est exploitable ; à le détruire en tant que totalité à affaiblir cette partie de l’homme qui à l’évidence ne sert pas sa performance mais fait malgré tout partie de lui… […] Ce qui indigne nos dirigeants, c’est que parfois les citoyens tentent d’agir au lieu de se contenter de l’alternative “travail ou loisir”. […] Aussi longtemps que dure ton travail, tu dois renoncer à ces attitudes dans lesquelles “tu dois” ou “tu ne dois pas” faire telle ou telle chose; au lieu d’avoir une conscience morale, tu dois seulement être “scrupuleux” tu dois moralement rester limité ! Nous suivons tous (ou presque tous) cette maxime qui était celle des employés des camps d’extermination; nous sommes tous (ou presque tous) convaincus que l’opprobre de l’acte ne rejaillira pas sur nous aussi longtemps que nous n’y prenons part qu’en travaillant. […] Le temps dit libre est, de plus en plus, tout aussi aménagé, organisé que notre temps de travail. Parce que cette vie privée qu’on nous concède à côté de notre temps de travail, qu’on nous encourage même à cultiver, est conçue comme une vie “privée”… de quelque chose. Ce quelque chose étant : la responsabilité. […] Cette limitation est par là même une limitation morale. Car “moral” est celui qui pèse les conséquences et les conséquences des conséquences de ses propres actes.

Rester silencieux et immobile pendant des heures sur un bout de trottoir devant l’Organisation Mondiale de la Santé, en lui rappelant en prise directe la tragédie des enfants malades de Tchernobyl, constitue paradoxalement l’action par excellence, que chacun peut accomplir dans la plénitude de sa personne morale et humaine. Le propre de l’Homme le moins puissant étant de pouvoir dire NON en restant debout (et non à quatre pattes).

Dans la lettre, dont nous avons finalement reçu une copie à 13 heures, l’Organisation Mondiale de la Santé utilise un terme parfaitement approprié, elle se dit “gênée”. Monsieur Beaufour nous écrit : “Je me réfère à votre lettre du 10 Avril 2007, adressée à Monsieur Yann Stephan. Monsieur Yann Stephan qui n’a pas informé sa hiérarchie de votre courrier, ne fait plus partie des effectifs de l’OMS. Je vous serais donc reconnaissant à l’avenir de m’adresser toute correspondance. Vous indiquez dans votre courrier que votre action se déroulera sur le canton appartenant au canton de Genève et sur lequel se situent nos bâtiments. Je vous prie de bien vouloir noter que si ce terrain appartient effectivement aux autorités suisses, il a été mis à la disposition de l’Organisation Mondiale de la Santé ce qui en fait un terrain privé à l’exception de la route qui reste dans le domaine public. Par conséquent le terre-plein central où vous envisagez de rester doit être considéré comme une enclave privée. Nous avons pris note de votre engagement à mener une action pacifique et non perturbatrice. Une présence permanente créerait cependant une gêne et c’est la raison pour laquelle nous sommes au regret de vous informer que l’OMS ne souhaite pas que votre action se poursuive au-delà de 13 heures ce jour 26 Avril 2007. Je vous prie d’agréer mes sincères salutations.
Patrick Beaufour Coordinateur des Services de Sécurité


Nous invitons les scientifiques et les employés de l’OMS à un dialogue sérieux. Par un concours de circonstances remarquable, cette invitation a été communiquée avec autorité ce jour même au personnel de l’OMS.

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