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La vigie du 26 Avril 2007 | ||||||||||||||||||||
![]() La vigie de la 214ème semaine devant lOMS |
Le 26 Avril 2007, date anniversaire de la catastrophe de la Tchernobyl, fut le premier jour de vigie du collectif IndependentWHO devant le siège de lOMS à Genève.
Paul Roullaud, Thérèse Raitière et Wladimir Tchertkoff - le 26 Avril 2007À 7H 30, le 26 avril, Wladimir, Thérèse et moi, nous descendons du bus devant lentrée principale de lOMS. Nous portons sur le buste les slogans qui accusent lOrganisation Mondiale de la Santé dêtre complice du crime de non assistance aux populations touchées par Tchernobyl. Nous nous plantons devant lentrée, silencieux, immobiles. Nous sommes filmés par un caméraman de la télé suisse de Lugano. Les employés qui arrivent sont manifestement très surpris. Vers 9H, un policier se pointe. Il nous dit que nous ne sommes pas autorisés à demeurer là, que nous sommes sur un terrain privé. Nous lui répondons que nous avons préalablement adressé une lettre à la direction et quaucun refus ne nous a été signifié. Le policier repart avec ces informations et va rejoindre le chef de la sécurité. Quelque temps après, ils reviennent ensemble. Le chef de la sécurité nous dit ne pas avoir reçu de lettre. Nous vous en avons bien adressé une, voici la copie. Palabres. Je vous répète que vous navez pas dautorisation, vous êtes sur un terrain privé, il faut vous en aller. Nous sommes silencieux et immobiles, nous ne posons aucun problème de sécurité, notre présence ne vous concerne pas, nous voulons avoir à faire à la direction. Palabres et repalabres. Si la direction ne peut nous recevoir, quelle nous fasse un courrier. concluons-nous. Là dessus, le policier plutôt diplomate nous consent un délai jusquà 13h et il repart en compagnie du chef de la sécurité. Ce dernier emporte la copie de la lettre quil dit ne pas avoir reçue. ![]() Pendant ces tractations, François Gillard, Rolande Coquard ainsi que 3 personnes venues de Grêce nous ont rejoint et portent à leur tour les pancartes. Wladimir, lui, doit nous quitter pour se rendre à la conférence de presse fixée à 11 heures. Nous nous disons que la direction de lOMS ne doit pas avoir très envie de porter la responsabilité politique dune évacuation musclée (devant caméras) de personnes qui laccusent de complicité de crime mais nous nignorons pas pour autant ce que encourons. Tarif suisse : 24 heures de garde à vue et amende qui pourrait sélever à 300 euros par personne. Pour réchauffer lambiance, deux fourgons grillagés de policiers font leur apparition. Ils passent au bout de nos chaussures, font un petit tour et finalement se garent à 150 mètres de là, à la limite du territoire de lOMS. Dans linstant, leur mission est de barrer la route à une quarantaine de manifestants rassemblés sur la place des Nations qui, à 12 h, doivent se mettre en marche vers lOMS, bandeau sur la bouche, pancartes brandies. En ce jour anniversaire de laccident de Tchernobyl, les militants de Contratom sont là aussi pour dénoncer laccord OMS/AIEA. Fait marquant, cest la première fois que la dite OMS utilise la force publique pour empêcher que la contestation pénètre sur son territoire. Une pareille mobilisation policière nest habituellement réservée quà lambassade US. Larrivée des fourgons de police nous prépare un peu mieux à lidée dune évacuation, passé le terme des 13 heures accordé par le policier. Nous nous disons quil est préférable dinternationaliser lévènement sil doit se produire et de réduire les évacués au nombre de 3. Ainsi convenons-nous de demander à Wladimir (italien) de revenir dès la fin de la conférence et à Thanassis (grec) de quitter les manifestants qui montent de la place des Nations afin de me rejoindre également. Je vois le cadran de lhorloge au travers des vitres de lOMS afficher 12h45, je me dis quil ny a plus quun quart dheure et je me fabrique des images sur ce que pourra être mon logement des prochaines 24 heures. Les forces de police sont pour le moment occupées à barrer la route aux manifestants montés de la place des Nations. Lambiance est tendue, ça discute ferme. Certaines personnes du groupe organisateur veulent maintenir le piquet devant la porte de lOMS jusquà lévacuation par la police. Dautres, par contre, pensent quà durcir ainsi laction, il y a un risque de la faire tourner court et le but cest justement de durer. Après dâpres discussions, loption de lever le pied est finalement prise, pas pour une déroute, juste un petit repli pour se placer à 50 mètres du bâtiment à la limite du territoire de lOMS. Le chef de la police sengage à donner un avis favorable à notre présence en ce lieu. André Larivière sinstalle aussitôt en première vigie. Cest là que laprès-midi, je prends la suite en compagnie de Maurice Bécamiel jusquà 18 heures. Pour tous les autres, le programme consiste en une AG salle de la Castafiore. Nous les rejoignons vers 18h30 après une bonne marche qui nous dégourdit agréablement les jambes. Le lendemain 27, je reprends la vigie en compagnie de Thérèse. Nous linterromprons à 13 heures car il nous manque lautorisation de la mairie. Celle-ci nous sera accordée le mardi midi de la semaine suivante, semaine où vont, solitairement ou non, se succéder au carrefour des Morillons Wladimir, Thérèse, François, Rolande et moi. Le mercredi, je fais un comptage des voitures sur 5 minutes chaque heure et jannonce à Wladimir quelles sont environ 7000 à passer par là chaque jour. Je coupe la poire en deux vu que pour la plupart, ce sont des employés qui prennent ou quittent leur travail. Ça fait minimum 3500 personnes qui vont voir nos pancartes, il y a déjà de quoi faire causer dans les chaumières. ....Oui, très majoritairement une personne par voiture et quelle voiture ! Carrefour des Morillons, cest le bal des 4x4 aux vitres fumées, ambiance corbillard, ils vont à làOMS. Finalement ça saccorde bien avec ce que nous affichons sur nos pancartes, me dis-je. Heureusement, on nous adresse de nombreux signes de sympathie, pouce levé, bravo, continuez. A chacun dentreux, jenfonce un petit bout de bois au bord du trottoir et je fais le compte le soir. Environ 10 par jour dont certains qui renouvellent (un chauffeur de bus). Nous sommes agréablement surpris dêtre visités par des employés de lOMS qui repartent avec de linformation. Deux d’entreux travaillent à lentretien, nous les revoyons le lendemain revenir avec des cafés dont la chaleur me va droit au coeur. Ça compense les sentiments pas très flatteurs que je nourris à lintention de tous ces personnages qui roulent 4X4 dont un qui est énorme. Cest sûrement le produit dune grosse voiture qui sest accouplée avec un char dassaut. Il ne lui manque quune mitrailleuse. Je minterroge sur son conducteur qui soccupe de la santé du monde. Quest-ce qui le pousse à un délire pareil ? Il possède la plus grosse voiture, il a gagné. Je me dis quil serait amusant de trouver encore plus énorme afin de le remettre en compétition et je me vois mamener par là avec une moissonneuse batteuse ! Je finis cette semaine de vigie avec lintime conviction quil faut tenir autant quil faudra, à la longue notre action portera ses fruits. Paul Roullaud
Thérèse Raitière - le 26 Avril 2007Devant l’entrée principale de lO.M.S. au matin du 26 Avril 2007, en ce jour anniversaire de laccident de Tchernobyl, me voici quelque peu émue, dans mon rôle de vigie. Le moment est grave, ma pensée senvole vers les territoires contaminés, en moi un mélange de colère, de fragilité et beaucoup de détermination à sièger ici : Ma colère vis à vis de lO.M.S : 500.000 enfants au Bélarus, malades, souffrants. Sans parler des liquidateurs, tous abandonnés à leur sort, par cette organisation. Ma fragilité devant cet immense bâtiment de lO.M.S. Comment toucher ces décideurs ? (le sont-ils encore !) Ces protecteurs de la santé humaine (normalement), qui minimisent voire nient les faits. Mais en moi surtout une grande détermination, côute que côute dire la réalité des enfants malades. (cf le livre de Wladimir Tchertkoff, "Le Crime de Tchernobyl", valeur sûre dans mon sac à dos ). Être un maillon de cette chaîne de vigies, naissante; résister, informer jour après jour et qui sait ?... En tous cas, je porte ici humblement la voix des ENFANTS et de ce peuple oublié de Tchernobyl. Thérèse Raitière
Wladimir Tchertkoff - le 26 Avril 2007Genève le 26 avril 2007. QUI A PEUR DES ENFANTS DE TCHERNOBYL ? Nous avons écrit à Madame Margaret Chan, Directrice générale de lOMS, récemment nommée à ce poste de haute responsabilité. Nous lui avons demandé de nous soutenir dans notre requête damender laccord OMS/AIEA, afin que lOMS saffranchisse de lassujettissement à lagence promotrice de latome et prenne les mesures nécessaires pour venir en aide aux enfants contaminés depuis 21 ans par les radioéléments expulsés de la centrale de Tchernobyl en feu. Pour toute réponse Madame Chan a appelé la police. À titre de prologue de cette reconstruction des événements du 26 avril de Genève, voici le résumé des réflexions échangées entre les organisateurs de cette action : Nous tablons sur la bonne foi scientifique des travailleurs de lOrganisation Mondiale de la Santé, qui, en tant quorganisation mondiale, est notre organisation. Nous proposons à son personnel une conférence dinformation sur un argument controversé, qui met en question la crédibilité de lorganisme où ils travaillent. Il faut que ces personnes sachent, et que lopinion publique sache, que nous prenons leur travail au sérieux et ne doutons pas un instant de leur honnêteté intellectuelle. Nous avons décidé dassiéger pacifiquement, - sur le plan moral, scientifique, déontologique - la direction de cet organisme, qui appartient à tous. LOMS nest la propriété privée de personne, quoi quen disent le service de sécurité et la police, qui, sur ordre de la direction, - elle sest déchargée sur eux de sa responsabilité politique de réponse, - nous ont chassés de son territoire en nous obligeant à rétrocéder hors des remparts (juridiques) du bastion. Lintéressant dialogue filmé que nous avons eu avec ces deux fonctionnaires, qui nous ont respectés et se sont acquittés avec un professionnalisme exemplaire d’une tâche ingrate, est éclairant. 07h 30. PREMIER ÉPISODE – LES VIGIES PRENNENT POSITION Le 26 avril, à 7H30, quatre personnes, Thérèse Raitière, Paul Roullaud, Wladimir Tchertkoff et Emanuela Andreoli munie dune caméra, sont descendus à larrêt terminus du bus N° devant lentrée principale de lOMS à Genève. Les trois premiers portaient sur le buste les slogans qui accusaient lOrganisation Mondiale de la Santé dêtre complice dun crime. Ils se plantaient (se sont plantés) avec leurs pancartes, silencieux, immobiles, devant lentrée du bâtiment. Quelques minutes plus tard, ils étaient rejoints par un caméraman de la télévision suisse de Lugano (TSI) et par Romano Cavazzoni, caméraman qui a filmé entre 1990 et 2002 cinq documentaires sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl (réalisation Tchertkoff – Andreoli). Les trois vigies étaient filmées par les trois caméras. Les employés qui arrivaient étaient manifestement surpris, certains, en particulier ceux des pays africains et asiatiques, sarrêtaient et photographiaient. Peu de temps après, le groupe était rejoint par Rolande Coquarde et François Gillard, celui-ci cherchant à établir des contacts avec le personnel qui descendait du bus. Trois employés de la sécurité se sont approchés alors du groupe en priant de ne plus filmer le personnel. Vers 9H, un policier se pointe. 09h 00. DEUXIÈME ÉPISODE – LE POLICIER Le Policier : Bonjour, je suis le capitaine Pasquier. Wladimir : Je suis Wladimir Tchertkoff. Pasquier : Cest vous peut-être qui êtes venus hier à la police ? Wladimir : Oui Pasquier : Donc vous savez que cest un lieu privé. Wladimir : Nous avons écrit à ce sujet à la direction de lOMS. Cest avec la direction que nous souhaitons avoir un rapport. Pasquier : Bon, si je suis là cest que la direction a téléphoné pour dire … Wladimir : Pour dire ? Pasquier : que vous étiez là… et puis que cest un lieu privé. Wladimir : … Pasquier : Vous avez eu une discussion à la police hier … ? Wladimir : Cétait au sujet de la procession à partir de la Place des Nations… Pasquier : Votre manifestation doit sarrêter. Wladimir : Vous parlez de la manifestation de la place des Nations. Ici cest autre chose. Pasquier : Alors ça, on va aller voir. Si je suis ici cest parce quon ma appelé… Le téléphone du capitaine sonne, il répond brièvement et va rejoindre le chef de la sécurité dans le bâtiment. LA VEILLE DANS LES BUREAUX DE LA POLICE… La veille, les trois vigies, accompagnées dAnne-Cécile Reimann de ContrAtom ont dû soutenir une discussion franche, parfois tendue, avec deux fonctionnaires de la Police de Genève, Mr Couturier, responsable pour la délivrance des autorisations, et un autre dont nous navons pas le nom, qui les avaient convoqués dans leurs bureaux. Précédemment, une lettre avait été envoyée à la police exposant lintention deffectuer sur la grande Place des Nations, devant le Palais des Nations Unies, un rassemblement dans la matinée du 26 avril, 21-e anniversaire de lexplosion de la centrale de Tchernobyl. Dans la demande dautorisation dutiliser les espaces et les voies publiques qui relèvent de la compétence de la police, il était précisé quaprès une conférence de presse, les manifestants se déplaceraient avec des banderoles et 21 flambeaux allumés (symbolisant la lumière à faire sur les 21 ans dobscurité sur les conséquences de Tchernobyl) en direction de lOrganisation Mondiale de la Santé (à 2 km environ), où un bref discours serait prononcé, puis le rassemblement se serait dispersé. Au cours de la discussion, les policiers ont opposé une série dempêchements et dinterdictions aux représentants des ONG, bloquant pratiquement toutes les étapes du projet, et allant même au-delà de leur compétence spécifique limitée aux espaces publics de la ville : -->> pas question de se rassembler sur la Place des Nations le 26 avril, en raison des travaux en cours, qui se termineraient le 27 (sic !). Nous avons fait un repérage des lieux la veille de cette rencontre : il ny avait aucun chantier, des touristes se promenaient autour des nombreuses fontaines qui giclaient allègement du sol en granit de lesplanade; -->> pas question dutiliser des flambeaux, à cause de linterdiction dallumer des feux à lair libre, tombée justement dès le 25 avril; -->>pas question daller en procession jusquà lOMS, car le trottoir est trop étroit (sic). Nous avons mis sous les yeux des policiers les photos publiées dans Trait dunion n° 22 de 2002 de la CRIIRAD, qui montraient 300 manifestants effectuant la même procession sur le même parcours en faveur du Professeur Bandajevsky alors emprisonné. Les policiers ont répondu quils ne connaissaient pas cette manifestation et quil ne fallait pas jouer sur les mots (re-sic); enfin, le vrai problème : -->>pas question dentrer sur le territoire de lOMS, qui est propriétaire du bail et qui se trouve donc sur un lieu privé. Nous avons objecté que par définition la police navait pas compétence en la matière puisque le lieu nétait pas public et que nous souhaitions avoir une réponse directe de lOMS elle-même. À la fin on nous a autorisé de faire la procession en file indienne sur le trottoir étroit, jusquà la limite du lieu privé de cette Organisation dénommée mondiale, en nous enjoignant de rebrousser chemin aussitôt sans nous arrêter. Nous avons laissé aux policiers les photos où lon voyait les 300 manifestants de 2002 rassemblés devant lentrée principale du bâtiment sur le lieu même où les trois vigies avaient décidé de se tenir en silence. Ce lieu privé nétant pas enclos, quiconque pouvait y pénétrer sans effraction de domicile. Leffraction aurait eu lieu si, à la demande du propriétaire du bail, les visiteurs refusaient de sen aller. Cétait donc dabord à la direction de lOMS et non à la police de nous dire de nous en aller. La police nétait pas compétente. MAIS LE SERVICE SÉCURITÉ NEST PAS COMPÉTENT NON PLUS… Le projet initial des ONG promotrices était de commencer laction le 6 novembre 2006, mais la mort subite du directeur général de lOMS, M.Lee, et la nomination du nouveau directeur, qui devait avoir lieu précisément le 6 novembre, était un motif suffisant pour renoncer. Toutefois au cours dun colloque avec le chef du service de Sécurité de lOMS, M. Yann Stephan, au cours duquel il nous a suggéré de reporter laction au printemps, un point important était acquis : ce fonctionnaire, dont lavis préalable était nécessaire, ne voyait aucune objection du point de vue de la sécurité. Il aurait transmis un avis favorable aux étages supérieurs, nous avertissant cependant que cétait la direction de lOMS qui en dernière instance décidait de nous autoriser à rester sur le terre-plein devant lentrée ou pas. Lacceptation ou le refus auraient donc une signification essentiellement politique, aucun autre motif ne subsistant. En effet dans la lettre que nous avons adressée à M. Stephan le 10 avril, lui annonçant le début de laction pour le 26, nous avons réitéré que : … laction, qui concerne laccord de 1959 entre lAIEA et lOMS, sera incarnée par la simple présence dune à trois personnes au maximum, appuyées par un groupe à proximité, sans table, sans tente et sans mégaphone. Cette présence se fera de manière non-violente, dans le respect du lieu, des employés et des visiteurs de lOMS. La durée de cette action se trouvera déterminée par lécoute qui sera accordée à notre requête. Elle sera assurée par des personnes bénévoles, de 8 heures du matin à 18 heures, face au bâtiment principal, sur le terre-plein central situé entre les 2 routes permettant aux véhicules daccèder et de repartir de lOMS. Nous avons choisi comme emplacement le terre-plein central afin dêtre certains de ne causer ni gêne ni danger pour la circulation. […] Nayant dautre volonté que dutiliser notre droit dexpression, nous nimaginons pas quune institution internationale telle que lOMS puisse refuser notre présence devant ses murs. Dans lattente dune réponse favorable de votre part, veuillez recevoir nos sincères salutations. Cétait donc à la Direction de se prononcer. Mais nous navons eu de réponse ni de M. Stephan, dont nous ignorions quentre-temps il avait été licencié, ni de Madame Chan, qui était toujours à son poste. Pour nous, qui ne dit mot consent. Nous étions de toute manière déterminés et le matin du 26 avril nous étions là. 09h 15. TROISIÈME ÉPISODE – LE NOUVEAU CHEF DE LA SÉCURITÉ NA PAS REÇU NOTRE LETTRE Quelques minutes après son départ, le capitaine Pasquier revient avec un fonctionnaire dorigine africaine. Pasquier : Voilà. Donc vous avez là un monsieur qui est responsable de la sécurité. Sécurité : Arrêtez de filmer sil vous plaît. Wladimir : Vous parlez français ? Sécurité : Oui, je parle français. Wladimir : Est-ce que monsieur Stephan est là? Pasquier : Vous pouvez éteindre sil vous plait ? Sécurité : On va discuter tranquillement… Sil vous plaît. Wladimir (au caméraman) Tu peux me filmer, mais pas ces messieurs. Pasquier : Donc, comme je vous ai dit, ce monsieur est un responsable de la sécurité. La manifestation sur la voie publique cest une chose, ici vous êtes sur un lieu privé et lui, il va vous confirmer quil ny a aucun accord avec lOMS pour que vous vous trouviez ici à faire votre manifestation. Wladimir (à lAfricain) – Vous êtes au courant de notre correspondance avec Madame Chan et avec Monsieur Stephan ? Sécurité : Eh, Monsieur Stephan malheureusement nest plus avec nous. Wladimir : Ah, il ne travaille plus à lOMS ? Sécurité : Non. On a… nous avons ici une lettre… une autorisation des services des manifestations de Genève. Nous les avons contactés hier, et ils nous ont envoyé la demande que vous avez adressée là-bas et lautorisation qui vous a été accordée. Wladimir : Cétait au sujet de la manifestation sur la place des Nations, que nous souhaitons faire arriver jusquici. Mais, elle nest même pas encore commencée. Sécurité : Vous a-t-on demandé, oui ou non, de ne pas venir ici ? Wladimir : Non. Nous ne sommes pas la manifestation. Cest autre chose. Nous resterons ici jusquà lAssemblée mondiale de la Santé de 2008, toute lannée. Nous lavons écrit à Madame Chan…Une, maximum trois personnes seront présentes ici en permanence. En ce moment nous représentons une vingtaine de ONG internationales, - leur nombre augmente, - qui demandent que laccord OMS-AIEA soit amendé. Êtes-vous au courant ? Sécurité : Oui, oui, ça ce nest pas un problème. Mon problème cest que, comme vous savez, toute manifestation doit avoir une autorisation, nest-ce pas ? Pasquier : Là vous êtes sur un terrain privé. Sécurité : Sur un terrain privé. Pasquier : Si vous navez pas… Sécurité : Si vous navez pas une autorisation… Wladimir : Daccord. Alors, je vais vous informer jusquau bout. La situation que nous avions jusquà maintenant était la suivante : Monsieur Stephan, que nous avons contacté à lépoque, - il avait votre fonction si je comprends, nest-ce pas ? - a dit que de son point de vue il ny avait pas de problèmes, que ce nétait pas une question de sécurité… Sécurité : Il vous a écrit ça ? Est-ce quil vous a écrit en vous autorisant… Wladimir : Non, il ne nous a pas écrit. Nous croyons à la parole de la personne responsable de la sécurité, comme vous lêtes en ce moment, nest-ce pas ? Nous lui avons envoyé linformation à lépoque. Il a précisé que le fait de donner son avis favorable ne signifiait pas que nous pourrions rester ici, parce que cest la direction qui décide en dernier ressort. Donc, si je comprends bien, cest la direction qui demande maintenant que nous ne soyons pas là. Cela devient donc un problème politique, dont nous parlerons maintenant à la conférence de presse, qui aura lieu dans une heure à lintérieur de lONU sur la catastrophe sanitaire qui sévit en ce moment à Tchernobyl. Nous dirons que, sans aucune justification du point de vue de la sécurité, mais selon son droit de propriétaire du bail, la direction de lOMS refuse davoir un rapport avec la sociétéé civile. Nous demandons un dialogue, - nous avons écrit une longue lettre circonstanciée à Madame Chan, - nous ferons savoir que lOMS refuse le contact, le rapport pacifique avec nous, qui représentons les victimes de Tchernobyl, - des millions de paysans mangent depuis 20 ans des aliments contaminés sans que lOMS sintéresse à ce problème, elle ne fait aucune recherche, - et nous représentons aussi les ONG des cinq continents qui se joignent à nous scandalisées par cet accord entre lOMS et lAIEA, qui empêche votre organisation de faire son travail. Votre refus sera rendu public. Vous pouvez le dire à la direction. Il fallait que je vous informe sur notre détermination. Sécurité : Je comprends et je respecte, je salue votre détermination. Wladimir : Je vous remercie. Sécurité : Cest tout à fait logique, tout à fait normal. Chacun a le droit à un certain nombre de choses. Mais je pense que vous nallez pas nous… nous retirer aussi notre droit de propriété. Wladimir : Nous avons eu un dialogue avec votre prédécesseur, avec la même personne que vous-même dans sa fonction de responsable de la sécurité. Comme je vous ai dit les paroles pour nous ça compte. Il y avait cet accord : du point de vue de la sécurité pas de problême. La direction peut demander, - cest elle la propriétaire, ce nest pas la sécurité qui est propriétaire… Sécurité : Cest lOMS. Wladimir : LOMS cest la direction. Il y a une directrice générale. Pour nous cest elle linterlocuteur. Pasquier : Mais vous avez un accord écrit de la direction de lOMS, qui vous permet dêtre ici ? Wladimir : Non, je lattends, nous voulons quelle nous le dise… Vous comprenez très bien ce que je dis. Nous sommes tous intelligents : cest une décision politique. Sécurité : Mais alors, est-ce que vous pouvez, sil vous plaît, attendre une rép… puisque vous avez écrit, attendre une réponse ? Wladimir : Bah, ça peut être fait dans les dix minutes. Sécurité : Cest sûr que vous navez pas fait votre lettre en dix minutes. Wladimir : Non, mais là il suffit de trois lignes : vous êtes priés de vous en aller … point à la ligne. Vous dites nous sommes dans notre droit, cest vrai, vous êtes dans votre droit. En tant que propriétaire cest la direction générale qui doit nous répondre. Sinon nous disons que la direction générale ne veut même pas se compromettre. Elle vous utilise… Nous demandons que lamendement du fameux accord soit mis à lordre du jour de lassemblée mondiale de la Santé. Sils le font, nous nous en allons. Sinon, - nous sommes en train de recueillir des signatures dans le monde entier, - nous attendrons ici le mois de mai de lannée prochaine. Cest ce que nous avons dit, cest ce que nous sommes déterminés de faire. Ce nest pas seulement de nous quil sagit. Nous représentons les malades de là-bas et nous représentons les ONG internationales qui nous soutiennent. Il sagit dun rapport entre la société civile mondiale et lOrganisation Mondiale de la Santé. Cest la santé humaine qui nous intéresse. Voilà. Notre détermination est radicale. Il ny a rien à faire. Sécurité : Franchement, on vous comprend, on vous respecte. Tout ce quon vous demande cest que si vous entrez dans ma propriété privée… Paul : La comparaison entre la propriété privée dune famille et une organisation qui est chargée au niveau mondial de veiller à la santé des populations, ce nest pas la même chose. Cette comparaison ne tient pas. Pasquier : Alors, cest très simple : la sécurité… la, lOMS représentée par le monsieur qui est responsable de la sécurité, ne désire pas que vous restiez. Donc, nous police, nous vous demandons gentiment de quitter le lieu. Wladimir : Et nous, on fait résistance passive… (SILENCE, SOURIRES) Parce que nous prétendons que nous ne constituons aucun problème du point de vu de la sécurité. Pasquier : Je pense quils en sont conscients. Wladimir : Oui, je suppose aussi. Pasquier : Mais par contre il y a la notion de propriété privée. Wladimir : Oui, nous la respecterons, quand elle nous sera formulée par celui qui en est titulaire. Paul : Et qui en plus est au service des populations du monde… Wladimir : Oui, le nucléaire aujourdhui, les bombes à luranium appauvri, le fameux syndrome du désert, tout ça… tout le monde comprend… Pasquier : Vous savez, moi je suis policier, lui il est responsable de la sécurité… On est tous des hommes, on est tous conscients…quil y a pollution, quil y a des dangers. On est tous conscients de cela… et on a tous un rôle à jouer. Lui, il a certainement aussi, je dirais, un penchant pour tout ce qui est humanitaire, comme moi, comme vous… Wladimir : Cest évident. Pasquier : Par contre on a tous des missions… lui il a un rôle et vous…vous en avez un autre. Mais il y a aussi le respect des gens. Je trouve quil y a un certain respect à avoir pour la direction, qui a discuté avec nous du fait que vous êtes sur un terrain privé. Vous savez très bien que si on était dans dautres pays la discussion serait peut-être beaucoup plus difficile. Wladimir : Je sais, sur la Place Rouge ce nétait pas ainsi. Il ny avait pas de discussion, on finissait au goulag. Nous avons de la chance… Écoutez, ça ne peut pas se résoudre au niveau de la police. Cest un problème trop grave. Thérèse : Monsieur, comment nous faire entendre, puisquil y a déjà eu des demandes quon a faites à lOMS en 2000, en 2001 ? Je parle en tant que citoyenne. Comment trouver les moyens ? Vous voyez, il y a 500.000 enfants au Bélarus qui meurent et ont des maladies graves. Comment trouver les moyens ? Pasquier : Jen suis tout à fait conscient, mais on parle de votre présence ici… Paul : La présence, elle peut déranger… Mais vous le savez bien, les faits ont souvent précédé la loi. Les premières gens qui ont demandé la démocratie, ils étaient dans lillégalité. Sécurité : Vous auriez peut-ètre dû mettre dans votre demande que vous viendriez ici et peut-être en ce moment ils vous auraient contacté… Wladimir : Mais nous lavons demandé !… Sécurité : Non. La lettre que nous avons, non. La lettre que nous avons reçue, parle de manifestation à partir de la Place des Nations… -- -- Thérèse tend au fonctionnaire la lettre que nous avons envoyée le 10 avril à M. Stephan. -- -- Thérèse : Regardez cette lettre. Elle a été envoyée par le collectif à Monsieur Stephan. -- -- Embarras. En silence, le nouveau chef de la sécurité regarde, perplexe, la lettre qui a été envoyée à son service il y a 15 jours. -- -- Wladimir : Vous lavez reçue cette lettre. Sécurité : Celle-là je ne lai pas reçue. Je nai pas reçu cette lettre-là. Wladimir : Comment non ! Regardez la date… Sécurité : Je vous dis que moi je ne lai pas reçue. Wladimir : Ça veut dire que ça ne fonctionne pas chez vous. Sécurité : Non, attendez, chez nous il ny a pas de problèmes. Wladimir : Vérifiez, vous avez reçu cette lettre. On se réfère ici à lentretien qui a eu lieu avec M. Stephan. On linforme que, comme il nous la demandé, ce nest plus en novembre mais cest maintenant en avril, que nous commençons ce dont nous avons parlé. Et que donc du point de vu de la sécurité il transmettrait son accord et que la direction déciderait si nous pouvons être là ou pas. Cest tout. Cest très clair là-dedans. -- -- Le capitaine Pasquier distrait par lexcitation générale essaie de se concentrer sur la lettre. -- -- Pasquier : Bon, moi je lis cette lettre. Ça ne me regarde pas directement, mais il ny a rien de précis là dans cette lettre. Ça ne dit pas que vous demandez dêtre ici…Où vous trouvez que… ? Wladimir : (reprend la lettre) Comment où : Cette présence se fera de manière non violente dans le respect du lieu, des employés… Elle sera assumée par des personnes bénévoles de 8 heures du matin à 18 heures du soir face au bâtiment principal sur le terre-plein central situé entre les deux routes, permettant aux véhicules daccéder et de repartir de lOMS. Ce sont ces deux routes là. Tout est écrit dans cette lettre. -- -- Wladimir indique les tracés parallèles de la route du bus, qui parcourt toute la longueur du bâtiment, fait une boucle autour du terre-plein sur lequel se déroule la conversation et sarrête au terminus dans le dos des 3 vigies tournées vers le bâtiment. -- -- Thérèse : Tenez, ça cest la lettre à Madame Chan, que nous avons envoyée. Sécurité : Oui, celle-là je lai… Ce que je vous dis cest que, puisque vous avez écrit, vous devez attendre la réponse avant de faire la manifestation. Thérèse : Nous attendons… Pasquier : De toute façon … il est vrai que ce serait bien que vous ayez une réponse. Paul : Oui, cest notre désir de recevoir une réponse. -- -- Le capitaine Pasquier et le fonctionnaire de la sécurité rentrent dans le bâtiment. W.Tchertkoff part pour la conférence de presse organisée dans une salle du palais des Nations Unies. -- -- DE 10 À 11 HEURES CONFÉRENCE DE PRESSE DANS UNE SALLE DU PALAIS DE LONU Les intervenants sont présentés par Philippe de Rougemont responsable des médias pour le collectif OMS indépendante et organisateur de la conférence à lONU. Il expose les enjeux de laction de longue durée initiée le 26 avril 2007, jour du 21e anniversaire de lexplosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl : obtenir lamendement de laccord de 1959, qui soumet lOMS à lautorité de lAIEA et démasquer le rôle scandaleux de cette organisation après laccident de Tchernobyl : en acceptant des chiffres fallacieux, lOMS cautionne le maintien de millions de personnes dans des régions hautement contaminées, sans suivi sanitaire. La rencontre avec les journalistes commence par la projection dun extrait du film Controverses nucléaires, diffusé par les télévisions suisses du Tessin et de la Suisse alémanique et du Canada, où lon voit M. Hiroshi Nakajima, ancien directeur général de lOMS, déclarer que la conférence organisée par lui à Genève en 1995 sur les conséquences médicales de Tchernobyl a été censurée par lAIEA.
Gino Nibbio de ContrAtom reconstruit les étapes précédentes de laction de lONG suisse pour obtenir lamendement de lAccord de 1959.
Wladimir Tchertkoff, réalisateur du film et auteur de Crime de Tchernobyl, le Goulag nucléaire (Actes Sud, 2006), décrit la stratégie de lignorance des agences de lONU, qui par un subterfuge pseudo scientifique occultent la véritable dimension de la catastrophe et les conséquences sanitaires effarantes en regard des chiffres ridicules quelles publient.
Il raconte aussi les blocages et embûches subis par les scientifiques biélorusses de la part dexperts occidentaux, lorsquils étudient les conséquences de laccident ou lorsquils aident les populations à se protéger et à se soigner.
Roland Desbordes, Président la CRIIRAD, informe sur le projet de laboratoire de recherche indépendant que la CRIIRAD souhaite organiser avec des scientifiques en Biélorussie, ainsi que sur les dossiers où lAIEA a pris la place revenant à lOMS ou à dautres agences de lONU comme le PNUE :
rapport sur la situation à Mururoa après les essais nucléaires de 1995, lUranium Appauvri au Kosovo, Irak et Afghanistan. M. Luc Recordon, avocat, physicien et parlementaire fédéral sexprime sur laspect légal de la campagne et le déroulement dévénements menant à la modification ou à labrogation de laccord de 1959 entre lAIEA et lOMS.Parmi les journalistes présents, peu nombreux à cause semble-t-il de la présence à Genève du Président Palestinien Mahmoud Abbas, on peut citer les correspondants de The Nation (USA), Radio Pacifica (USA), RTBF (Belgique) venu exprès de Bruxelles, une correspondante dune agence Moldave, RTSI (TV du Tessin), Le Courrier (Suisse) et pour la Suisse romande une journaliste du Matin Bleu, journal gratuit que tout le monde lit. Le journaliste de la radio belge a cherché en vain, à plusieurs reprises, dobtenir téléphoniquement une réaction de lOMS, qui niait obstinément quil y eût une manifestation devant ses portes. Mais, ils sont là, je vous assure. Je me trouve parmi eux… . 11h 00 RASSEMBLEMENT Â LA PLACE DES NATIONS
À 11h 30, départ en procession vers lOMS sur la colline (une demi-heure de marche), pour y rejoindre les vigies, sans flambeaux, que les marcheurs ont remplacé par des bandeaux sur la bouche pour signifier la censure dont nous étions victimes : la police nous a interdit de manifester devant lOMS, contrairement à la libéralité respectueuse de ce droit, de 2002. Pendant ce temps, là-haut, devant le bâtiment…
11h 40. QUATRIÈME ÉPISODE DEVANT LE BÂTIMENT DE LOMS Le capitaine Pasquier et le Chef de la sécurité reviennent vers les vigies. Pasquier : Alors voilà la situation. Ils ont contrôlé. Effectivement il ny a pas de lettre de réponse préparée pour vous. Raison pour laquelle le responsable de la sécurité… - la direction, pas monsieur mais son patron, la direction donc - vous fait savoir que, puisquil ny avait pas de lettre, - je pense quelle sest égarée dans les méandres des procédures, - ils vous laissent jusquà la fin de la manifestation. Vous pouvez rester ici, aujourdhui, jusquà la fin de la manifestation, cest-à-dire jusquà 13 heures. Dici là, ils vous remettront une lettre en réponse à celle que vous leur avez écrite. Je ne connais pas la totalité du contenu, mais en substance ils ne désirent pas que vous reveniez ici faire votre manifestation. Donc voilà. Ils vous remettront une copie à vous ici, avant 13 heures, et ils enverront loriginal à ladresse de la personne responsable. Ils tolèrent que vous restiez jusquà la fin de la manifestation, parce que vous navez pas reçu de réponse officielle. Voilà. Alors, pour nous police, eh bien pour le moment on arrête là. Par contre jaimerais avoir vos identités. -- -- Moment de crise et dinquiétude, pendant que Pasquier prend note des documents, Paul réfléchit, que faire ? Les vigies sont seules devant ce refus formel. Il faut consulter les autres. -- -- Pasquier : (met le point final à la discussion, sur un ton interrogatif) Voilà… Alors je compte sur ça ? ... -- -- Pause silence -- -- Thérèse : Nous avons entendu. Jusquà treize heures on est daccord. Après on verra… on nest pas seuls… Sécurité : Non mais après vous recevrez une réponse par rapport à la requête que vous avez déposée à lOMS. Paul : Oui, ceci dit … notre conscience nous demande aussi daccomplir une mission. Thérèse : Chacun a des responsabilités. Sécurité : Bien sûr, bien sûr on en est conscient. Merci, au revoir. Pasquier et le fonctionnaire de la sécurité serrent les mains de tout le monde et sen vont. Â limproviste, une nouveauté ébahit le personnel de lOrganisation Mondiale de la Santé (nous lavons su plus tard). On na jamais vu rien de semblable à lOMS : deux paniers à salade pleins de policiers en tenue légère anti-émeute se pointent au bout de lesplanade quils parcourent démonstrativement en longeant le bâtiment. Ils passent devant le petit groupe des vigies jusquau bout de limmeuble, contournent le terre-plein situé entre les deux chaussées, le parcourent sur toute la longueur en sens inverse et se placent finalement à lentrée de lespace privé de lOMS par où ils sont arrivés. Cest de là que les manifestants de la Place des Nations devraient entrer sur lesplanade. Les deux camionnettes auraient pu éviter de faire le grand tour démonstratif, en utilisant le rond point giratoire qui se trouve à lentrée du territoire.
Paul Roullaud nous appelle pendant notre marche sur un portable pour communiquer la nouvelle et se consulter sur la décision à prendre. Ne pas céder ? Opposer une résistance passive ? Se faire embarquer ? Dans cette hypothèse il suggère que lembarquement soit international : des amis grecs venus de Rhodes sont avec nous, André Larivière est canadien, Tchertkoff est italien dorigine russe. Il faut rejoindre les vigies, nous regrouper sur le terre-plein et attendre la police de pied ferme. Facile à dire, moins facile à faire. Quand les quarante arrivent finalement en vue de la limite du territoire de lOMS, à 300 mètres environ des vigies que le tournant en direction de lesplanade et une haie cachent encore aux regards des arrivants, une rangée de policiers barre la route. Dans lattente de la lettre qui devait nous être remise avant 13 heures, au cours dune rapide et chaude discussion à respectueuse distance du contact rapproché avec la police, entourée par les agents de la sécurité de lOMS et en présence du capitaine Pasquier, les manifestants écartent la solution conflictuelle. Laction est programmée pour la longue durée. Si nous avions les moyens financiers suffisants et quun groupe dirréductibles sy engageait pour toute la durée de laction, nous aurions peut-être pu récidiver tous les matins en pénétrant avec le bus Nº 8 jusquà lentrée principale de lOMS, nous faire embarquer et accumuler les amendes pour effraction de domicile et résistance passive aux forces de lordre pendant lannée. Cela aurait certainement conféré à laction un éclat médiatique majeur. Mais à part le fait que face au lobby atomique richissime nous sommes fauchés, certains ont observé avec juste raison, que cela aurait dénaturé laction, qui perdrait son caractère pacifique et non violent et réduirait la participation à un petit groupe dirréductibles dans un conflit juridique local, alors quelle devait rester ouverte à tous les citoyens du monde sur la question gravissime de la santé. Le capitaine Pasquier, dont le comportement, compréhensif mais ferme, était empreint de patience et de réalisme, nous a offert la solution pour laquelle il était prêt à donner son avis favorable au Département des institutions du Canton de Genève. (Plusieurs fois pendant la matinée, connaissant nos droits il nous a répété aux moments de tension je veux que tout se passe bien.) Sa solution impliquait évidemment pour nous de renoncer au face-à-face avec la façade principale de lOMS. Nous nous y trouvions à proximité immédiate des employés, qui, en descendant du bus et en émergeant des parkings souterrains sur le terre-plein, passaient à nos côtés pour se diriger vers lentrée. Pasquier nous a proposé lemplacement 300 mètres plus bas, hors du territoire interdit, sous les arbres sur le trottoir dangle à proximité immédiate de la limite de la propriété, là où la rue Appia, avant de continuer comme route privée vers le rond-point giratoire et lesplanade de lOMS, bifurque vers la gauche en devenant route des Morillons. De ce trottoir, on voit le flanc ouest du grand parallélépipède rectangle du bâtiment mais pas la façade, et nous ne sommes pas vus des fenêtres. Cette solution nous a semblé une défaite : nous perdions le contact avec le personnel. En réalité cette impression était une erreur, cet emplacement sest avéré en fait un point stratégique, le meilleur endroit pour notre action. En effet, sur le terre-plein, à la vue des fenêtres de tous les étages, très peu demployés sarrêtaient pour nous interroger. Par contre, à langle de la rue Appia / route des Morillons ils sont libres, certains viennent à pied nous poser des questions, prendre de la documentation écrite, on nous photographie, quelquun apporte du café et à manger. À certaines heures, la circulation automobile est intense avec beaucoup de voitures des ambassades. En lisant les slogans Crime de Tchernobyl, OMS complice, OMS, 21 ans de silence et de mensonges, Amender laccord entre lOMS et lAIEA, - certains occupants des voitures, qui sarrêtent au carrefour pour laisser passer celles qui ont la priorité, nous font des signes dencouragement et dadhésion le pouce levé. Les conducteurs dautobus également. Une brèche humaine souvre à notre surprise dans une bureaucratie et un fonctionnement totalement étanches à la tragédie des territoires contaminés de Tchernobyl.
Dans un livre en préparation de Guy Demenge de ContrAtom (qui reprend les analyses de louvrage du philosophe allemand Günther Anders - La menace nucléaire, Ed Le Serpent à plumes) il est question du devoir dirresponsabilité : Malgré tous les beaux discours quon tient sur la démocratie […] laction a déjà été abolie en tant que telle.[…] Ce qui vaut pour ceux qui travaillent dans les usines où lon fabrique des machines vaut, à quelques exceptions près, pour tous nos contemporains. […] Pour la bonne marche de la société scientifiquement organisée, la responsabilité doit nous être totalement interdite. […] Le totalitarisme (et pas moins le totalitarisme secret du monde prétendu libre) nous étreint comme avec une paire de tenailles. Il cherche à réduire et à limiter lhomme à lexploitation de ce qui est exploitable ; à le détruire en tant que totalité à affaiblir cette partie de lhomme qui à lévidence ne sert pas sa performance mais fait malgré tout partie de lui… […] Ce qui indigne nos dirigeants, cest que parfois les citoyens tentent dagir au lieu de se contenter de lalternative travail ou loisir. […] Aussi longtemps que dure ton travail, tu dois renoncer à ces attitudes dans lesquelles tu dois ou tu ne dois pas faire telle ou telle chose; au lieu davoir une conscience morale, tu dois seulement être scrupuleux tu dois moralement rester limité ! Nous suivons tous (ou presque tous) cette maxime qui était celle des employés des camps dextermination; nous sommes tous (ou presque tous) convaincus que lopprobre de lacte ne rejaillira pas sur nous aussi longtemps que nous ny prenons part quen travaillant. […] Le temps dit libre est, de plus en plus, tout aussi aménagé, organisé que notre temps de travail. Parce que cette vie privée quon nous concède à côté de notre temps de travail, quon nous encourage même à cultiver, est conçue comme une vie privée… de quelque chose. Ce quelque chose étant : la responsabilité. […] Cette limitation est par là même une limitation morale. Car moral est celui qui pèse les conséquences et les conséquences des conséquences de ses propres actes. Rester silencieux et immobile pendant des heures sur un bout de trottoir devant lOrganisation Mondiale de la Santé, en lui rappelant en prise directe la tragédie des enfants malades de Tchernobyl, constitue paradoxalement laction par excellence, que chacun peut accomplir dans la plénitude de sa personne morale et humaine. Le propre de lHomme le moins puissant étant de pouvoir dire NON en restant debout (et non à quatre pattes). Dans la lettre, dont nous avons finalement reçu une copie à 13 heures, lOrganisation Mondiale de la Santé utilise un terme parfaitement approprié, elle se dit gênée. Monsieur Beaufour nous écrit : Je me réfère à votre lettre du 10 Avril 2007, adressée à Monsieur Yann Stephan. Monsieur Yann Stephan qui na pas informé sa hiérarchie de votre courrier, ne fait plus partie des effectifs de lOMS. Je vous serais donc reconnaissant à lavenir de madresser toute correspondance. Vous indiquez dans votre courrier que votre action se déroulera sur le canton appartenant au canton de Genève et sur lequel se situent nos bâtiments. Je vous prie de bien vouloir noter que si ce terrain appartient effectivement aux autorités suisses, il a été mis à la disposition de lOrganisation Mondiale de la Santé ce qui en fait un terrain privé à lexception de la route qui reste dans le domaine public. Par conséquent le terre-plein central où vous envisagez de rester doit être considéré comme une enclave privée. Nous avons pris note de votre engagement à mener une action pacifique et non perturbatrice. Une présence permanente créerait cependant une gêne et cest la raison pour laquelle nous sommes au regret de vous informer que lOMS ne souhaite pas que votre action se poursuive au-delà de 13 heures ce jour 26 Avril 2007. Je vous prie dagréer mes sincères salutations. Patrick Beaufour Coordinateur des Services de Sécurité Nous invitons les scientifiques et les employés de lOMS à un dialogue sérieux. Par un concours de circonstances remarquable, cette invitation a été communiquée avec autorité ce jour même au personnel de lOMS. | |||||||||||||||||||
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